Danser avec la Torah: une joie pour les femmes, un défi pour les hommes
Danser avec la Torah: une joie pour les femmes, un défi pour les hommes
By Yifat Erlich
Vendredi dernier, au début du mois de Hechvan (calendrier hébraïque), un groupe de femmes a réussi à faire entrer clandestinement un petit livre de la Torah datant de 200 ans au Mur des Lamentations. Les "Femmes du Mur", qui viennent au Mur à chaque début de mois, ont d'abord tenté d'apporter un grand rouleau de la Torah dans la section de prière des femmes, mais après qu’on leur a interdit de le faire, elles ont pris avec elles le petit livre de la Torah à l'intérieur de leurs sacs.
Et c’est ainsi que sur la place devant le Mur des Lamentations, aidées d’une loupe, elles ont réussi à lire le petit livre et même à faire Alya à la Torah pour plusieurs filles lors de leur Bat Mitzvah. "Le minuscule livre de la Torah a été écrit afin qu'il puisse être caché et lu en dépit des interdictions faites aux Juifs en exil”, ont expliqué les femmes. "Pour ces mêmes raisons, nous avons eu à nous cacher, mais cette fois-ci pour une interdiction imposée à des Juifs par des Juifs." Le rabbin du Mur des Lamentations était très mécontent de cet acte et a déclaré qu’elles ont déshonoré le livre de la Torah.
D’une part, je trouve difficile de m'identifier avec le style provocateur des Femmes du Mur. Je n'aime pas la controverse qu'elles suscitent ni leur désir d’être semblables aux hommes. En outre, leur acte viole la décision de la Cour suprême décrétant que le Mur est une synagogue, dont les règles doivent être respectées. La Cour suprême a ordonné aux femmes de prier dans une autre partie du Mur, qui n’est pas définie comme une synagogue. Mais les femmes agissent par dépit. D'autre part, j’ai un problème avec l'institution rabbinique, qui empêche les femmes de se connecter à la Torah à leur manière.
Cette année, pour la première fois, à l'âge de 36 ans, j’ai eu le privilège de me connecter à la Torah et de danser avec un rouleau de la Torah à la fête Sim'hat Torah (Joie de la Torah). C’était avec un petit livre de la Torah, que je tenais doucement en tremblant, comme on tient un bébé.
L’excitation était palpable dans la section des femmes à la synagogue d’Ofra, alors que le rouleau de la Torah était porté vers le cercle des danseuses. On pouvait voir des larmes scintiller dans leurs yeux, un large sourire se dessiner sur leurs lèvres. La première femme à le recevoir vient de guérir d'un cancer. Gaunt, pleine de vie, a pris le livre et a doucement dansé avec celui-ci. Sa danse était le symbole d'une victoire temporaire de la vie sur la mort.
Le livre a ensuite été remis à une jeune femme enceinte. Elle a tenu le livre sur son ventre rond, reliant la Torah à la vie qui se trouve à l'intérieur de son corps.
Faire de la Torah un mode de vie est quelque chose que seules les femmes peuvent faire.
Dans la section des hommes, il n'y avait pas un seul rouleau de la Torah. Les hommes ont dansé et chanté avec de nombreux livres de la Torah, mais l'excitation dans la section des femmes était beaucoup plus grande. Quelques hommes étaient en colère, très en colère. Pour eux, les femmes ne devraient pas danser avec la Torah, mais seulement regarder les hommes le faire. Pour que les hommes ne soient pas trop fâchés, le rouleau de la Torah porté à la section des femmes était un bien personnel appartenant au rabbin de l’implantation, et non pas un bien public. Le rabbin a appuyé la demande des femmes de danser avec la Torah. Sa femme a même signé une lettre demandant aux femmes de venir participer à la célébration.
Cela n'a pas calmé les hommes. Certains ont menacé de quitter l’implantation et ont même pris la peine de publier un commentaire sur le mur de la synagogue dénonçant la danse des femmes.
Pour résoudre la question, un autre rabbin a été mêlé à l’histoire, un rabbin dont les décrets n’enflamment généralement pas trop les hommes. On a rappelé un décret du rabbin Shai Piron datant de dix ans dont se sert aujourd'hui le ministre israélien de l'Education, qui s’oppose à ce que les femmes dansent dans la communauté avec un rouleau de la Torah.
Piron y affirmait qu'il est interdit de danser avec un livre de la Torah si les règles de la modestie ne sont pas respectées. Malheureusement, les femmes dans sa synagogue locale n’étaient pas habillées modestement, alors il avait conclu que danser avec un rouleau de la Torah dans la section des femmes dans une synagogue ne devrait pas être autorisé.
Piron précisait que dans la mesure où il n'y avait qu'une seule synagogue où il vivait, il était important que toute modification fut faite dans le dialogue et dans le consentement. Je ne sais pas si les membres du parti de Piron, Yesh Atid, qui se présente comme libéral, aimeront la décision stricte du membre de leur parti. Je ne sais pas non plus si, aujourd'hui, vu son positionnement politique, Piron oserait s’opposer aux femmes qui dansent avec la Torah. Mais je sais une chose: lorsque l’on n’agit pas par désir de provoquer ou d'argumenter, mais plutôt par humilité et animé d’une intention honnête de se relier à la Torah, on trouve la vraie joie.
Yifat Erlich est journaliste pour l'émission d'investigation "HaMa'arechet" sur la chaîne israélienne "Arutz 2" et commentatrice pour la chaîne "Heritage".
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